Diplômés
Fay-sur-Lignon : un projet de création artistique avec des paysannes et paysans de Haute-Loire
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Reportage par Benoit Grossin, France Culture, sur le travail de Lena Durr, diplômée de l'ésadtpm
C'est pour relancer des échanges culturels dans le village de Fay-sur-Lignon en Haute-Loire qu'une association a monté un projet de résidence. Pendant six mois, l'artiste Léna Durr a rencontré puis photographié des agricultrices et agriculteurs pour fabriquer ensemble une installation contemporaine.
Fay-sur-Lignon, petite commune d'un peu plus de 300 habitants en Haute-Loire, vient d’accueillir en résidence une artiste toulonnaise, Léna Durr, pour un projet avec une quinzaine d’agricultrices et agriculteurs : la réalisation de portraits photographiques à l'issue de nombreuses rencontres dans leur ferme, avec à chaque fois un objet lié au monde rural et intégré aux clichés pour composer et raconter leur histoire.
De septembre 2024 au mois d'avril 2025, cette opération a été menée à l’initiative d’une association "La Caravelle" pour bâtir une exposition sur la grande place du village, en vue de retisser des échanges culturels dans cette région isolée de moyenne montagne. Fay-sur-Lignon était il y a quelques décennies encore un important lieu de foires aux bestiaux, avec des manifestations organisées tout au long de l'année et qui pouvaient rassembler foule. Aujourd'hui, le village est souvent désert, de nombreux bars sont fermés et sa place principale, le foirail, sert surtout de parking pour les voitures.
"Cette exploitation est aussi âgée que moi, elle a 34 ans"
Dans la matinée du 4 avril, l’artiste plasticienne Léna Durr effectuent ses dernières prises de vue à mille mètres d’altitude, sur le plateau du Mézenc. Après avoir déposé une robe bleue glanée dans un vide-grenier sur un râtelier à foin, elle photographie une jeune éleveuse, Émilie Ducroux.
Cette jeune femme tient depuis deux ans les rênes d’une exploitation transmise par son père, dans la commune de Saint-Front :
"Cette exploitation est aussi âgée que moi, elle a 34 ans. Et je trouve que c'est un super projet. C'est important de montrer cela aux gens. Que les femmes de ce monde sont capables de beaucoup de choses et de rester femme malgré tout ça, C'est de pouvoir élever plus de 100 brebis et d'avoir une quinzaine de vaches mères et un troupeau de plus de 40 têtes, d'avoir un gros troupeau de chevaux. C'est de pouvoir faire la plupart des travaux sur une ferme sans avoir besoin d'un homme. C'est d'être autonome. Sans bâtiment, un élevage tout en extérieur, sans pousser les bêtes. C'est plutôt plus proche de la nature."
"Les personnes que je photographie deviennent aussi les acteurs de ces projets artistiques"
Et c’est au cœur de Fay-sur-Lignon, à une dizaine de kilomètres de là, que Léna Durr a été accueillie en résidence pendant six mois pour ce projet artistique, dans un ancien hôtel du village, haut de deux étages. Seule à l'occuper, Léna Durr en a fait son atelier. Entre les mois de septembre 2024 et d'avril 2025, elle est venue à plusieurs reprises à Fay-sur-Lignon et s'est déplacée dans les villages aux alentours pour d'abord rencontrer les paysannes et paysans, échanger longuement avec eux pour mieux connaître leur histoire et leur quotidien, avant de mettre en scène leur vie à travers des photographies :
"C'est un travail de mémoire parce qu'il immortalise le monde agricole actuel qui a changé depuis des années, mais où on retrouve chez certaines personnes une envie de retour en arrière. La question des enjeux environnementaux et écologiques pour certains et certaines d'entre eux est très importante. Pour moi, c'est un enrichissement de connaître leur histoire et de la mettre en lumière. Et je pense que pour eux, c'est une découverte culturelle. Ils s'investissent, Ils jouent le jeu. Toutes les personnes que je photographie deviennent aussi les acteurs de ces projets artistiques."
"C'est cette idée d'échanges culturels qu'on réveille"
Fay-sur-Lignon et la vie du monde rural ont profondément changé en l’espace de cinquante ans, comme en témoigne l’immense place du village, entourée de très nombreux bars fermés et dont il ne reste plus que les noms - Café du globe, Café du midi ou Café du commerce - sur les façades aujourd’hui.
"Cette place-là qui est immense au cœur du village, c'est ce qu'on appelle le foirail", explique Monique Barruel, bénévole de l’association 'La Caravelle', à l’initiative du projet de résidence artistique à Fay-sur-Lignon :
"Sur cette place, il y avait beaucoup de foires, des foires aux bestiaux. Il n'en reste plus du tout. Il y a seulement le 20 octobre, la foire aux chevaux qui est maintenue. Et c'est ce lieu à forte portée symbolique qui est un patrimoine, un patrimoine agricole. C'est un lieu où il y avait la plaine qui montait et qui venait chercher les produits de la montagne et la montagne qui récupérait les produits de la plaine... un lieu d'échanges, de rencontres, des dernières nouvelles. C'est cette idée d'échanges culturels qu'on réveille peut-être avec ce projet-là."
"C'est plus qu'une allusion au monde agricole"
Ce projet de quinze portraits grand format est mis en scène sur cette place du foirail par une installation de Léna Durr. Et cela avec la participation d’un des agriculteurs photographiés dans le village avoisinant de Champclause, un ancien directeur technique de théâtre, Philippe Roux, co-auteur de la scénographie constituée de matériels d’élevage :
"Des barrières de contention pour faire des enclos. Les petites, c'est pour les moutons et les industrielles, c'est pour les vaches. Cela va donner un quadrilatère de quinze mètres par dix, avec une cloison centrale, un système scénographique permettant d'avoir des cloisons d'accroche. Mais c'est plus qu'une allusion au monde agricole. La contention, cela sert à créer un enclos dans lequel on peut travailler avec les bovins sans prendre trop de risques nous-mêmes, paysans."
L’installation de l’artiste Léna Durr, ce grand espace de contention pour l’accrochage de ses photographies de paysannes et paysans du plateau du Mézenc, va prendre place au centre du village de Fay-sur-Lignon, à partir du 20 avril, pour devenir un lieu d’échange avec l’appui de médiatrices culturelles, jusqu’à la fin du mois de mai 2025.
Reportage complet de France Culture : cliquez ici