Ecole, Intervenant
Fabrice Hyber, artiste invité à l'ESADTPM pour l'année 2016-2017
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L'année universitaire étant sur le point de se terminer, focus sur Fabrice Hyber, artiste invité dans le cadre du programme "Un Artiste, un Professeur, un Invité".
Fabrice Hyber a été reçu au mois de mars 2017 par l'équipe du magazine culturel de l'agglomération TPM OùQuiQuand.
Artiste français, reconnu internationalement, Lion d’or à Venise en 1997, Fabrice Hyber valorise le rôle de l’artiste comme réalisateur, entrepreneur et médiateur, toujours sur plusieurs projets à la fois. Il multiplie ses œuvres, s’inspirant ainsi de la manière dont se développent les systèmes cellulaires de nombre d’organismes vivants, systèmes de flux irrigants, nourrissants, débordants… Retour sur son interview.
Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis artiste, peintre avant tout mais inventeur aussi, j’invente des systèmes. A chaque fois qu’il y a quelque chose dans le monde qui ne me plait pas j’essaye de faire un dessin pour trouver la solution. A partir de ces dessins je crée des objets, des situations ou des évènements qui font en sorte que le monde soit meilleur.
J’interviens dans des domaines et sur des supports très divers : je procède par accumulations, proliférations, hybridations et opère de constants glissements entre les domaines du dessin, de la peinture, de la sculpture, de l’installation, de la vidéo, et également de l’entreprise et du commerce.
Si vous deviez résumer votre travail en quelques œuvres, quelques dates, quelles seraient-elles ?
Mon premier tableau, j’avais 19 ans en, 1m² de rouge à lèvres, je voulais mesurer la beauté, ça date du début des années 80, 1981 exactement. J’ai obtenu de la firme de cosmétiques Liliane France, des tubes de rouge à lèvres pour le réaliser.
Une autre œuvre qui est importante pour moi c’est L’homme de Bessines. C’est un petit bonhomme vert qui a la moitié de ma taille (86 cm), je me suis imaginé à 60 ans ! Je me suis mis en sculpture mais à l’échelle ½. Et c’est comme ça que petit bonhomme vert est arrivé à Bessines, ou plutôt ces petits bonhommes car il y en a 6. C’était ma première commande Publique. L’idée était d’arriver là-bas et de les implanter sur le réseau d’eau pour que chaque petite sculpture fasse fontaine. Normalement les fontaines sont des gros objets imposants sur les places de villages, mais là je voulais faire des petits objets qui envahissent, mais qui sont sympathiques.
Puis l’idée s’est développée et cet homme de Bessines a envahi le monde, là il y en a plus d’un millier dans le monde ! Mais dans toutes les matières possibles, en bronze, en résine, en plastique, en vermeil, en porcelaine… mais toujours vert !
En 1990, j’ai fabriqué le plus gros savon du monde, 22 tonnes moulées dans une benne de camion, grâce au soutien des savonneries de Marseille (Chimiotechnique SED idéal). Cette œuvre est en quelque sorte mon autoportrait: incernable, inclassable, il glisse sans cesse des mains.
Et ce savon a ensuite fait le tour d’Europe des centres commerciaux pendant 4 années. Aujourd’hui il est chez moi sous une bulle de verre qui fait 11m de diamètre. On le voit même de satellite !
En 1995 j’ai transformé le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris en Hybermarché avec 4 000 références issues de mes dessins, on a trouvé les producteurs de ces objets qui ressemblaient à mes dessins et on les a mis en dépôt vente pendant 4 semaines puis en vente la dernière semaine, au prix coutant, sans plus-value artistique.
Bien sûr on peut aussi parler de la biennale de Venise en 1997, j’y ai transformé le Pavillon Français en studio d’enregistrement et de diffusion d’émissions télévisées pendant 15 jours Eau d’or, eau dort, odor ou la danse des cadreurs.
Dernièrement j’ai essayé de diffuser mon travail autrement, de trouver d’autre systèmes. Ce ne sont plus les expositions qui sont le plus importantes pour moi.
C’est ainsi qu’à Tokyo en 2001 j’ai créé le C’hyber rallye à l’occasion de la sortie du premier téléphone portable avec appareil photo au monde. C’était extraordinaire, pendant 5 jours, il fallait trouver des lieux grâce à des énigmes qu’on envoyait sur ce fameux téléphone (le Jphone) et une fois sur le lieu il y avait des objets, mes POF (Prototypes d’Objets en Fonctionnement)* que le public pouvait tester, manipuler. Au bout des cinq jours, ceux qui avaient trouvé le plus d’informations gagnaient une de mes œuvres. C’est un concept que j’ai développé avec près d’une dizaine d’hyber rallye à travers le monde.
De même j’ai travaillé sur beaucoup de systèmes pour avoir les moyens d'imaginer que les gens sont tous des créatifs. Tout le monde a un élément créatif chez lui, il faut juste pouvoir le développer.
Si on nous donne toujours le mode d’emploi des choses ce n’est pas très intéressant! On nous donne des objets fait et on nous donne la fonction qui va avec l’objet… c’est complètement idiot… on peut peut-être dormir sur une chaise ou sur une table ! Et c’est ce que j’essaye de faire ici à l’Ecole Supérieure D’art, c’est d’imaginer que tous ces jeunes étudiants sont des gens créatifs à tous points de vue, il y a tellement de possibilités… il faut juste leur révéler, leur en donner les moyens.
Justement, quel est l’objet de cette invitation de l’ESADTPM, de votre présence avec les étudiants pendant cette année ?
Cette invitation a pour objet, au sein de l’école, de rapprocher les enseignements de l’art et du design autour de problématiques et d’enjeux de l’art contemporain. J’interviens sur toutes les années et les deux cycles d’études au long de cette année universitaire à des moments différents. Bien sûr, je ne suis pas là comme un professeur qui va juger leur travail ou leur apporter des points ou leur donner des notes.
Avant tout je suis là pour apporter une valeur ajoutée, un regard extérieur. Je suis là pour créer des situations qui leur permettront de développer un peu plus leur travail en dehors des systèmes de l’Ecole. J’ai passé pas mal de temps avec les 2ème et 3ème année, maintenant j’aime beaucoup l’idée d’être en permanence disponible pour les 4ème et 5ème année, s’ils ont besoin de moi, ils viennent me voir.
J’espère que mon intervention permettra ainsi d’impacter les modes de pensée des étudiants, leur ouvrir de nouveaux horizons et les interroger sur la place de l’artiste dans notre société.
Je pense que c’est très intéressant de proposer ça, c’est une très belle formule, pour eux comme pour moi d’ailleurs.
Puis là on va organiser un Rallye ! À l’image de l’hyber rallye, dans tout le territoire de l’agglomération avec les objets qu’ont créés les jeunes étudiants et mes objets. On va faire un bel événement mi-septembre. Une sorte d’aboutissement de notre travail ensemble cette année.
Enfin, pouvez-vous nous parler de votre actualité :
J’ai beaucoup de commandes, mais j’ai aussi créé une école à Nantes qui s’appelle « les réalisateurs » ou j’apprends aux jeunes artistes à trouver les moyens de leur financement via des promotions de trois mois. Je travaille avec l’AUDENCIA et l’école des Beaux-Arts de Nantes. On commence aussi avec HEC et Cergy, avec l’Université de Houston, à Tel Aviv avec Bezalel, l’Academy of Arts and Design, à Casablanca aussi et Montréal. Je pense foncièrement que l’Entreprise n’est pas un lieu qui est en dehors de la vie artistique, bien au contraire. Il y a une vie dans l’entreprise, il faut juste apprendre à valoriser ce moment-là !
*(Prototypes d’Objets en Fonctionnement) Afin de préparer les interventions de l’artiste tout au long de l’année, l’équipe enseignante a effectué une sélection de POFs parmi les plus emblématiques comme Chaise contre un mur (POF n°52), Combinaisons phonétiques (POF n°75), Escalier sans fin (POF n°100), Homme Eponge (POF n°116), Vinyle (POF n°149)… parmi la quarantaine choisie dans le cadre de projets pédagogiques.